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DATE DE PUBLICATION : 31 JANVIER 2024

En Europe, les systèmes de santé, soumis à des contraintes financières, doivent faire face au vieillissement de la population, à la multiplication des maladies chroniques, aux épidémies comme le Covid-19, à l'augmentation des coûts, aux nouvelles technologies, à l'explosion des données et à la pénurie de personnel de santé. Comment le diagnostic in vitro (DIV) peut-il apporter une aide dans ce contexte ? C'est la question que nous avons posée à Lucy Nugent, présidente de l'Association européenne des directeurs d'hôpitaux (EAHM) et directrice générale de l'hôpital universitaire de Tallaght à Dublin, et à Antoine Bloch, Vice President France, Clinical Operations, bioMérieux.

 

Quels sont les principaux obstacles que doivent surmonter les hôpitaux aujourd'hui ?

Lucy Nugent : Nous sommes sortis de la période de convalescence qui a suivi le Covid-19 et nous essayons maintenant de mettre en place une phase de retour à la normale dans les hôpitaux. Cependant, nous sommes soumis à des pressions financières croissantes. Lorsque les salaires représentent 75 % du budget d'un hôpital, cela signifie que nous envisageons une réduction de personnel alors que nous savons que, d'ici 2030, il manquera 18 millions de travailleurs de la santé à l'échelle mondiale. C'est une dichotomie majeure à laquelle nous sommes confrontés.

Aussi, le secteur des soins de santé n'est plus attractif en matière de salaires. Le salaire d'un informaticien diplômé est plus de deux fois supérieur à celui d'une infirmière diplômée, bien qu'ils aient tous deux effectué quatre années d'études universitaires. Nous souffrons manifestement de ce manque de compétitivité.

Le changement climatique représente un autre enjeu important pour nous. Si les soins de santé étaient un pays, ils seraient le cinquième contributeur aux émissions de gaz à effet de serre. Il faut donc réaliser rapidement des progrès dans le mode de fonctionnement des hôpitaux ; ainsi, par exemple, 85 % des déchets hospitaliers ne sont pas dangereux mais comment gérons-nous cette situation ?

Antoine Bloch : Pour moi, un autre enjeu de premier plan est la garantie d'un accès aux soins de santé et au diagnostic 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, partout et pour tous les patients qui en ont besoin. Dans de nombreux endroits, les gens n'ont pas accès au même niveau de diagnostic la nuit ou le week-end parce que les coûts associés sont plus élevés. Et en matière de profits et de pertes, les mauvaises décisions sont possibles. Si, en plus, nous envoyons trop de personnes à l'hôpital pour de mauvaises raisons ou sans savoir de quoi elles souffrent, nous saturons le système. Cela signifie qu'il est de plus en plus difficile d'avoir accès même à un traitement de base. 

 

Quel est l'intérêt du diagnostic in vitro dans ce contexte ?

A.B. : Le DIV, c'est avant tout une question d'information. Le dépistage très précoce, positif ou négatif, est essentiel pour le patient. Prenons l'exemple du sepsis. Avec le sepsis, chaque heure perdue augmente le risque de décès de 10 % : ainsi, plus tôt ce qu'il y a à savoir est connu, mieux c'est. L'obtention plus rapide d'informations permet également de décider avec certitude d'utiliser ou non un antibiotique coûteux ou une technologie onéreuse et de mieux gérer tous les types de ressources.

Nous devons nous concentrer davantage sur le diagnostic et sur tout ce qui peut être mis en place avant l'envoi d'un patient à l'hôpital, afin que seuls les patients qui ont vraiment besoin de soins d'urgence soient envoyés à l'hôpital. Outre la valeur médicale et les vies sauvées, il s'agit d'éviter des coûts et de mieux utiliser les ressources. C'est exactement ce que nous avons vécu avec le Covid-19. Il s'agissait simplement de savoir s'il fallait se rendre aux urgences ou non.

L.N. : Je suis d'accord pour dire que si nous pouvons maintenir des places dans les hôpitaux pour les personnes qui ont besoin de soins de courte durée, c'est un résultat positif. Un accès plus rapide au diagnostic permet d'obtenir un diagnostic plus précoce, le bon traitement et un suivi de ce traitement. Cela se traduit par de meilleurs résultats et une plus grande satisfaction des patients. Il est question de la réduction de la durée d'hospitalisation d'un patient, ce qui a un intérêt économique pour l'hôpital, mais nous réduisons aussi le nombre de jours où le patient n'est pas chez lui, ce qui représente un intérêt évident pour lui.

Du point de vue de la prévention, le diagnostic est également un précieux indicateur de santé. À partir d'un certain âge, les personnes devraient faire réaliser une analyse de sang tous les ans. Si une tendance négative est observée dans les résultats sanguins, il est possible de modifier son mode de vie afin de ne jamais devoir être hospitalisé. Les patients doivent connaître leurs paramètres sanguins ; les taux de cholestérol et d'hémoglobine, par exemple, sont des indicateurs de leur santé. Il est très important de responsabiliser les patients et de les impliquer dans l'interprétation des chiffres. Nous savons qu'une intervention précoce peut retarder la progression des conséquences les plus graves des maladies chroniques. Il s'agit donc d'obtenir des réponses et d'améliorer les résultats.

 

Que faut-il faire pour identifier correctement l'intérêt du diagnostic in vitro et en tirer pleinement parti ?

A.B. : Il est ici question de prise de conscience. Nous devons sensibiliser les gens à l'intérêt que peut présenter le diagnostic. Il s'agit de savoir, le plus vite possible et le plus précisément possible.

L'usage des antibiotiques est un sujet qui n'est pas souvent abordé. Aujourd'hui, la moitié des antibiotiques pris par les patients sont prescrits sans que la véritable cause du problème soit connue. Cela aura des répercussions considérables dans un avenir proche. Tous les cliniciens doivent savoir qu'il existe des outils diagnostiques qui peuvent apporter des réponses rapides et précises pour les aider à choisir le bon antibiotique au bon moment.

Les patients doivent également savoir qu'il existe des outils fournissant des informations utiles. Au cours de l'épidémie de Covid, ils ont pleinement compris l'importance du diagnostic et l'intérêt des tests PCR. Il s'agit d'une avancée significative mais nous devons aller plus loin.

L.N. : Nous devons examiner ce que le DIV peut apporter au parcours intégré du patient. Cet aspect n'a probablement pas été assez bien expliqué. C'est quelque chose que tout le monde connaît et comprend sur le plan intellectuel mais comment, par exemple, inciter les gens à effectuer des analyses de sang de manière proactive ? Je pense qu'un exemple concret reste ce qu'il y a de plus parlant. J'ai récemment entendu dire que, selon les prévisions, le nombre de décès dus à l'antibiorésistance dépassera les 1,2 million de personnes décédées du Covid. D'ici à 2050, ce nombre devrait atteindre 10 millions de personnes. Lorsque j'ai entendu cela, j'ai pensé : « C'est quelque chose que nous pouvons réellement empêcher, alors comment faire ? »

Nous devons également amener les cliniciens à commander les bons tests, les moins complexes possible. Un des moyens d'y parvenir est l'utilisation de parcours de soins standardisés de manière plus systématique. 

 

Êtes-vous favorable à des soins de santé fondés sur la valeur ?

L.N. : En principe, les soins de santé fondés sur la valeur permettent de réaliser des économies mais cela doit se faire sur un pied d'égalité, en utilisant les bonnes données, avec des repères réalistes et de la transparence.

La plupart du temps, les achats et les contrats sont motivés par le prix. Je pense qu'il est très important que l'industrie et les professionnels de la santé qui sont vraiment déterminés à améliorer les soins de santé pour tous aient la possibilité de dialoguer et de comprendre les points de vue des uns et des autres.

A.B. : Je suis tout à fait d'accord : engageons un dialogue objectif et transparent sur les modèles fondés sur la valeur pour le diagnostic in vitro

 

 

 

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